-Il y a une forme de nécessité, dans un monde en constante transformation de ne pas obstruer ou de ne pas échapper aux aléas, mais plutôt de les accepter et de composer avec pour cultiver une capacité d’adaptation. N.V
-Depuis plusieurs années, nous voyons émerger des méthodologies en design qui seraient prêtes à l’emploi, ce à quoi nous ne croyons pas. Il nous semble nécessaire de savoir lâcher prise, d’être à l’écoute de contextes ou de potentialités en présence, d’accepter que les choses ne soient pas prédéterminées à l’avance. B.M
-On peut résumer cette manière d’être au monde par des attitudes qui témoignent d’une forme de disponibilité à ce qui environne une société, l’individu, le designer et le projet.
N.V

Les temps que nous traversons semblent caractérisés par une fragilité accrue à beaucoup d’égards, révélée par les crises écologiques, économiques, sociales, politiques, entre autres. Nous voulons en premier lieu faire le deuil de la stabilité. Accepter que nous vivons dans un monde en mouvement, caractérisé d’une part par l’impermanence de piliers jadis plus solides, d’autre part par la permanence de modes de pensées obsolètes de par leur rigidité et pourtant non remises en question par les sphères dominantes. Autrement dit, nous voulons faire exister le doute, dans un monde instable pourtant dirigé par des convictions avec autorité. Donner le droit à l’indécision et à la recherche.

L'exposition souhaite ensuite donner la place à des personnes et à des projets qui témoignent d’une attention et d’une relation constructive avec un ensemble d’incertitudes et d’aléas. Des attitudes qui affrontent le doute mais qui le cultivent aussi; car ne pas savoir c’est continuer à chercher, c’est inventer des manières de faire et des manières d’être en réaction à un contexte, à une certaine époque. Plutôt que des répétitions d’habitudes, il s’agit là de réactions manifestées dans des objets. Réactions aux phénomènes, aux aléas et à l’impermanence du monde physique.

Il pourrait ainsi être dit des objets présentés dans l’exposition, qu’ils relèvent moins du projet que d’une forme de trajet. Le projet suppose en effet une idée bien définie d’une destination vers laquelle orienter un ensemble de paramètres. Le trajet quand à lui relève d’un cheminement plus empirique, accepte en son cours un ensemble de paramètres influents qui participent à modifier le cours des choses. Il en va ainsi de la capacité des designers présentés dans cette exposition à s’écarter d’un plan établi, à accepter d’intégrer à leurs travaux un ensemble de forces agissantes dépassant leur propre autorité. De ce fait nous soulevons également la dimension d’authorité, de l’authorat dans l’émergence de ces propositions. Quelle participation au devenir du projet de la part de la matière, des outils qui la transforment; d'un contexte social, d'une réalité économique ou de pressions politiques, de celles et ceux qui mettent en oeuvre les choses ou de celles et ceux qui en feront usage ? In-finé, de qui et/ou de quoi ces choses sont-elles la propriété ?

La notion d’aléa engage avec elle celle d’une incertitude liée au hasard. Par définition difficilement saisissable, le hasard pose avec lui la question de la maîtrise dans la conception et dans la production. Nous nous intéressons ici à la place du lâcher-prise, à première vue contradictoire aux méthodes académiques de la conception. Il en va ainsi de la capacité des designers et artisans à “composer avec” plutôt qu’à imposer des dogmes; de leur agilité à réinventer leurs propres méthodes; de nourrir des attitudes sensiblement à l’écoute du monde et des forces en présence.
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En support aux œuvres se dressent des amas de kaolin, une argile blanche et friable utilisée pour la fabrication de la porcelaine. Dormante depuis plus de vingt ans dans l’atelier du Moulin de la Manufacture de Sèvres, voisin de l’espace d’exposition, cette matière première trouve ici par son déplacement un nouvel usage temporaire. Elle ponctue l’espace de différents tumuli dont la mise en forme répond à la nature du matériau, à sa manutention et se dessine par la force de gravité. Tout en envisageant la disponibilité de cette ressource comme une opportunité de rappeler le lien historique entre la manufacture et son école - actuellement occupée par le JAD - la proposition scénographique affirme un souci de frugalité, en articulant les disponibilités du contexte de l'exposition.

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Commissariat et scénographie en duo avec Baptiste Meyniel, assisté de Garance Corteville.

Exposition présentée au JAD, Sèvres, du 12 mars au 03 août 2025.

Avec les travaux de
Nathanaël Abeille, François Azambourg, Françoise Bolli, Erwan Bouroullec, Oscar Cordier, dach&zephir, Thelonious Goupil, Claire Lavabre, Enzo Mari, Bruno Munari, Théophile Narcy, Sacha Parent & Valentine Tiraboschi, Rikkert Pauw, Lucie Ponard, Julie Richoz, Anna Saint-Pierre, Olivier Vadrot.

Avec le concours des Manufactures Nationales, du FRAC Île de France, du Cnap, du Département des Hauts de Seine, du groupe SOS et de l'Institut des Savoir-Faire.

Rikkert Pauw, chaise et guéridon
Nathanaël Abeille, réflecteurs solaires
Anna Saint-Pierre, dépôt lapidaire
Sacha Parent et Valentine Tiraboschi, décor par le sable, plat
Françoise Bolli, C_Alice
Thélonious Goupil, Vavasoso
Sacha Parent et Valentine Tiraboschi, décor par le sable, chapiteau I & II
Oscar Cordier, Vires Silvae
dach&zephir, Machann pannié - Julie Richoz, Tapis Cogolin
Nathanaël Abeille, réflecteur solaire
Sybille Berger, pull n°83
Lucie Ponard, guéridon terres émaillées
dach&zephir, Machann pannié - Julie Richoz, Tapis Cogolin
Enzo Mari, Fatti a Mano
Olivier Vadrot, La table sans fin
Claire Lavabre, lampe Midnight Schuss
Sacha Parent et Valentine Tiraboschi, décor par le sable, plat
François Azambourg, Termi Charpin - Erwan Bouroullec, The Wanderer After the Goldrush
Bruno Munari, lit Abitacolo